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Famille Mission N°1 - 2013
mardi 26 mars 2013 par Webmaster

L’accaparement des terres : un défi pour les Eglises

Une caractéristique impressionnante de la personnalité du Cardinal Charles Lavigerie est son horreur de l’injustice et sa compassion pour les victimes. Il fut poussé à l’action par la situation critique des chrétiens au Moyen-Orient. Il prit soin des orphelins en Algérie. Il fit le tour des capitales de l’Europe pour dénoncer le commerce des esclaves. Aujourd’hui, Lavigerie serait certainement consterné par la pauvreté de milliers de familles, provoquée par la spoliation de leur droit traditionnel d’user de la terre ; ceci, au profit de l’élite locale, des compagnies agricoles et des banques d’investissements. De connivence avec eux, ou par l’initiative des gouvernements, de grandes étendues de terre sont achetées ou louées par des sociétés multinationales avec des contrats à long terme. La dernière ressource des pauvres campagnards leur est ainsi arrachée.

L’accaparement des terres, comme les critiques appellent ce phénomène, n’est pas nouveau. Mais, récemment, cette pratique s’est multipliée comme jamais et a atteint d’alarmantes proportions. En Afrique seule, une nouvelle enquête a recensé 754 cas de ventes/locations de terres, couvrant 56 millions d’hectares, soit la dimension du Kenya et représentant 4.8% de l’étendue du continent. Les chiffres exacts sont très difficiles à trouver parce que la plupart des négociations concernant ce sujet ne sont pas publiques et les contrats sont généralement tenus secrets. Une récente étude d’Oxfam parle, pour la dernière décade, d’une estimation globale de 227 millions d’hectares de transferts de terre, presque la surface de l’Europe de l’Ouest.

- [vert]Les raisons de cette grande ruée vers les terres.[/vert]

Pourquoi ce soudain intérêt à la terre ? Les racines du problème se trouvent dans les crises mondiales actuelles, soit les crises alimentaires, financières, énergétiques, et en plus le changement climatique.

En 2008, sur le marché mondial, le prix des aliments de base comme le maïs, le blé et le riz a plus que doublé.

Les pauvres des cités n’eurent plus les moyens de se procurer leur repas quotidien et le nombre de personnes affamées dans le monde a atteint le chiffre d’un milliard. Des pays comme ceux du Golfe, qui dépendent de l’importation d’aliments, commencèrent à chercher des terres pour assurer la sécurité alimentaire de leur population. Aux Etats-Unis, quand la bulle immobilière éclata, la crise financière qui suivit fit que les investisseurs cherchèrent d’autres investissements rentables. Avec une population mondiale qui augmente et une demande croissante, l’acquisition de terres semble représenter une bonne affaire. La crise énergétique contribua aussi à la ruée sauvage sur les terres. L’envol des prix des carburants et la menace du changement climatique conduisirent à rechercher des sources d’énergies renouvelables.

Le biocarburant, éthanol ou biodiesel, parut être, pour un temps, la parfaite réponse. Il devint évident ensuite que les plantations destinées aux carburants plutôt qu’à l’alimentation étaient sources de problèmes sociaux en temps de disette et n’aidaient en rien les populations affamées.

Beaucoup de gouvernements africains virent ce nouvel attrait vers les terres comme une opportunité bienvenue pour attirer des investissements, pour moderniser l’agriculture et créer des emplois. Certains pays, comme l’Ethiopie et la Tanzanie, offrirent des conditions très favorables aux investisseurs potentiels, tels que des loyers de terrains extrêmement bon marché, ainsi que d’avantageuses conditions de commerce et de taxes. En plus, pressés par la Banque Mondiale de favoriser les investisseurs, ils semblaient plus enclins à suivre le conseil de la banque que l’intérêt de leurs propres citoyens. Par ailleurs, l’investisseur veut non seulement le terrain mais aussi l’eau nécessaire. Ainsi, il cherche une terre avec une bonne pluviosité ou bien avec une possibilité convenable d’irrigation.

- [vert]Conséquences à long terme.[/vert]

La pratique de l’accaparement des terres incite à la corruption. De nombreuses indications révèlent que des spéculateurs déterminés à obtenir des étendues de terre tentent de corrompre des ministres ou des chefs locaux. Mais, même lorsque des politiciens croient sincèrement que les investisseurs étrangers amélioreront le développement de l’économie, les résultats s’avèrent fréquemment être de douteuses bénédictions. Certes, les entreprises agricoles emploient des ouvriers, mais beaucoup moins nombreux que les paysans qui ont perdu leurs terres et leur moyen de subsistance, et ceci rarement avec une compensation adéquate. De ce fait, beaucoup de gens n’ont d’autre option que celle d’aller grossir les faubourgs surpeuplés des villes et de rejoindre les rangs des chômeurs urbains. La pratique actuelle de l’accaparement des terres contrevient souvent aux droits des occupants traditionnels et constitue une violation des droits de l’homme et des lois internationales.

Pourtant, beaucoup de gouvernements ne semblent pas prendre en compte le coût social. La terre n’est pas seulement la base de la production alimentaire, c’est aussi une source d’identité et de cohésion sociale pour les communautés traditionnelles. Priver les paysans de leur héritage, c’est probablement préparer de futurs conflits sociaux. Les gouvernements ne semblent pas non plus penser suffisamment à l’avenir et aux besoins des futures générations.

La population africaine est supposée passer d’un milliard d’habitants aujourd’hui à environ deux milliards en 2050. Où vivront-ils, alors que tellement de terrains, appelés actuellement faussement “inemployés”, sont loués à des étrangers avec des contrats de 50 à 100 ans, ou encore davantage ?

Bien sûr, les gens qui doivent lutter pour leur survie ont peu de temps pour les considérations environnementales. Mais les gouvernements devraient être sensibilisés et concernés. Les investisseurs agricoles utilisent des méthodes agricoles industrielles. En d’autres termes, ils favorisent des monocultures à une large échelle qui détruisent la biodiversité et souvent endommagent un sol fragile avec des apports chimiques qui contribuent au changement climatique. Le prix des gains actuels pourrait se manifester dans le futur sous forme de pertes environnementales irréparables. La vision a commencé à changer. Aujourd’hui, de plus en plus d’experts voient le futur de l’agriculture dans une culture améliorée à petite échelle plutôt que dans d’énormes industries agroalimentaires.

Les investisseurs étrangers ne produisent pas d’aliments pour la population locale mais exportent les récoltes dans leur pays d’origine ou les vendent sur le marché mondial. Le résultat est : moins de nourriture pour les marchés locaux et, en conséquence, le prix des denrées alimentaires augmente ; tout cela au détriment de la population locale et, spécialement, des personnes pauvres.

[vert]Un défi pour l’Eglise.[/vert]

Les évêques présents au 2ème Synode Africain en 2009 étaient conscients du problème de la terre quand ils écrivirent leurs propositions au Pape :

“Etant donné que de larges étendues de terres fertiles et des ressources en eau sont exploitées sans scrupules par des investisseurs étrangers et locaux en beaucoup de pays africains, causant le déplacement et la dépossession des personnes pauvres et de leurs communautés, qui sont souvent impuissantes à s’opposer à cette “agression”, ce Synode appelle urgemment tous les gouvernements à veiller à ce que leurs citoyens soient protégés contre l’injuste aliénation de leurs terres et de l’accès à l’eau, qui sont les biens essentiels de la personne humaine.” [mauve fonce](Proposition 30)[/mauve fonce]

Peu de conférences épiscopales ont jusqu’à maintenant suivi la recommandation aussi vigoureusement que les évêques du Tchad qui ont publié une grande lettre pastorale. Elle déplore l’accaparement des terres par les élites locales, dérobant la terre des pauvres, comme le fit jadis le Roi Achab qui prit le vignoble de Nabot pour agrandir ses jardins royaux. [mauve fonce](2 Rois 21)[/mauve fonce]

- [vert]Un appel aux missionnaires[/vert]

L’accaparement des terres est certainement un défi majeur pour ceux et celles qui veulent travailler pour la justice. Que pouvons-nous faire, fils et filles de Lavigerie, si nous prenons sérieusement l’option pour les pauvres et désirons être présents sur les “lignes de fractures” comme le proclament les textes de notre chapitre ?

Quand nous travaillons en Afrique, nous devons :

  • Être informés de ce qui se passe dans le secteur et informer les gens sur ce qui est en jeu et les tactiques employées.
  • Stimuler les gens à s’organiser et donner un encouragement moral et pratique aux organisations paysannes.
  • Chercher à mettre ce problème dans l’agenda de notre commission justice et paix au niveau local, régional ou national.
  • Intégrer les droits de l’homme dans nos prédications et enseignements en utilisant la doctrine sociale de l’Eglise.
  • Faire connaître [bleu marine] les lignes directrices du bail foncier [/bleu marine], document réalisé récemment en volontariat et approuvé ; il défend les droits des utilisateurs de terre et les obligations des gouvernements et investisseurs ; il l’explique en termes simples aux communautés concernées par le problème.

En Europe, des congrégations missionnaires essaient de faire entendre leur voix par le [bleu marine] réseau Foi et Justice Afrique-Europe (AEFJN) à Bruxelles [/bleu marine] et par leur “antenne” nationale. AEFJN se bat contre les causes de l’accaparement des terres, telles les régulations européennes des biocarburants. Quelques communautés prennent part à ces campagnes. AEFJN offre une information et encourage des religieux en Afrique qui veulent s’engager dans des problèmes de justice, comme l’accaparement des terres.

Si le Cardinal Lavigerie vivait aujourd’hui dans ce monde, il ne resterait certainement pas silencieux. Je le vois visitant encore une fois les cités d’Europe, peut-être en compagnie de quelques victimes infortunées de l’accaparement des terres, et bouleversant la conscience d’une société complaisante.

 
AEFJN
rue Joseph II, 174
1000 Bruxelles
 

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