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L A V I G E R I E . be
Kabylie

Lettre aux « vétérans » de la région des Pères Blancs de l’Afrique du Nord.

samedi 26 juillet 2014 par Jan Heuft

Ce samedi 19 juillet 2014 et 20ème jour du ramadan, la chaleur est étouffante et atteint les 36° Celsius. Tôt le matin, notre ami mécanicien, nommé Achour, m’invite à la plage, mais vu l’intensité de la chaleur et des rayons du soleil, je préfère me terrer chez moi. Vu mon âge vieillissant, il me semble plus prudent d’aller faire un tour à la piscine l’après midi.

C’est ainsi que j’arrive vers midi à la belle location de l’hôtel Sofitel d’Alger, qui m’offre, depuis la décennie du terrorisme, un lieu de baignade gratuit et sécurisé. Dès mon arrivée les copains, peu scrupuleux des préceptes d’un Islam fondamentaliste, me saluent jovialement : «  Bonjour Père Jan ! Rak tsoum (tu jeunes) ?  ». Je réponds sur le même ton : « Bien sûr, la cuisinière m’a laissé tomber !  »

Un peu plus loin dans cette petite piscine, Toufik, me salue également : « Alors mon père, cela fait long temps qu’on ne t’a pas vu ici ! » Je lui lance : « Que veux-tu, pas de temps ? Le travail et encore le travail… ! » Toufik réfléchit un moment et me regarde en ricanant : « Le travail mon père, c’est la santé, mais ne rien faire, ne peut pas l’abimer ! » En me plongeant dans l’eau je lui réponds quand même : « Toufik ne pars jamais à la retraite, parce qu’à ce moment, tu auras plus de travail que maintenant ! »

Tout à coup j’aperçois Rachid, le pâtissier du coin et sa femme. Malgré ses efforts physiques en faisant de la natation, il est toujours aussi gros et n’arrive pas à perdre du poids, ne fut ce qu’un seul kilo ! Lui, et sa femme, nagent la bouche bien fermée, parce que durant ce mois de ramadhan il ne faut surtout pas avaler, par accident, une seule goutte d’eau (même javellisée). Malgré tout cela, nous nous saluons en pleine eau en se serrant les mains homme et femme. De ce côté-là il n’y a pas de problème religieux pour le moment. Ils me demandent : « Tu viens prendre le ftour [1] avec nous ce soir ? » « Avec plaisir ! » répondis-je.

Au bout de trois heures je me décide à descendre du 3ème étage de l’hôtel pour rejoindre ma voiture afin de rentrer à la maison. Et voilà en passant devant le restaurant avec le beau nom : « El Diva » au 1er étage, je ne puis pas m’empêcher de lire la carte des menus affichée évidement bien en vue des passants « en tant que tentation du diable ». Cet endroit est spécialement ouvert pour les non – jeuneurs et les étrangers. Le maître d’hôtel s’approcha de moi en criant haut et fort : « Alors Père Jan, rak tsoum (tu jeunes) ? » Je ne lui réponds pas, mais lis tranquillement les prix des différents plats qui sont, selon le standing de l’hôtel, assez élevés dépassant largement le budget d’un simple frère blanc !

Le maître d’hôtel revient alors la charge : « Mais vous ne me reconnaissez pas Père Jan ? Mon papa était l’ami du Père Louis Garnier (Dieu aie son âme) ! Je m’appelle Salim Nazef ! » En entendant ce nom, je me rappelais bien de cette famille de bijoutiers des villages de Tassaft et de Béni–Yenni en Kabylie. « Bien sur que je me rappelle de ta famille et de ton village ! » lui répondis je. Salim à son tour : « Alors, vous allez manger ici ! Vous payerez le plat principal et moi le reste ». Qu’allais-je faire d’autre ? Alors ce fut un grand repas de deux heures avec de grands récits mémoratifs sur les vénérés anciens pères : Doublet, Etienne, Genevois, Veilleton, Gayet, Henri et Nicole, avec leurs perfections et imperfections, provoquant des moments d’hilarité et de bonheur.

Assez souvent nous revenions sur la qualité de l’enseignement, sur les leçons de morale, mais surtout sur le respect des convictions religieuses des uns et des autres, dont l’apprentissage de la langue arabe et le vécu du mois de ramadhan. Le plus beau moment de la discussion fut quand Salim m’a dit spontanément : «  Vous avez fait de nous des vrais hommes libres, capables de prendre notre destin en main  ». Avec un tel éloge sur nos ancêtres je ne pouvais que me dire intérieurement : Quel défi pour la génération actuelle ! Nous l’avons fait avec les moyens du bord de l’époque en faisant confiance au Seigneur.

Je suis convaincu que ceux qui nous succèdent en feront autant avec les moyen du bord de leur temps et avec la même confiance dans le même Seigneur.

  Frère Jan Heuft, pb
Ancien et dernier directeur de l’Ecole des Pères Blancs à Béni-Yenni (Kabylie)

Alger le 21 juillet 2014.

[1Repas de rupture du jeûne pris à l’heure du coucher du soleil pendant le mois de ramadan


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