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L A V I G E R I E . be
Niger

Silence, on meurt.
Politique et méningite au Niger

mercredi 6 avril 2016 par Webmaster

Il n’y a rien d’étonnant. Quand les pauvres meurent c’est comme ils ont vécu. Dans le silence, sans trace et publicité. Ils ont traversé la vie dans l’oubli. La pauvreté est avant tout mentale, anthropologique, pourrait-on dire. Mais elle ne se cache pas dans les pauvres. Elle se trouve depuis fort longtemps dans la politique. Les pauvres s’en vont sans bruit. La politique a sa mission principale lorsque elle donne aux ‘sans voix’ de l’histoire la possibilité de la parole. Toute autre forme de politique est du bavardage pour qui peut aller se faire soigner ailleurs. Ou alors au pays, mais dans les cliniques gérées par les docteurs qui par ailleurs font grève dans le public.

Au Niger, depuis janvier 2016, on enregistre 61 morts à cause de la méningite. Leurs noms sont inconnus parce que les visages des pauvres sont engloutis par le sable et la poussière de la résignation. Entre temps l’actualité politique s’amuse à jouer avec la dignité confisquée au peuple. Elle devra rendre des comptes un jour aux pauvres qui, seuls, détiennent la vérité de l’histoire.

La pauvreté se nourrit avec des excuses et des prétextes mensongers. Le passé colonial, le complot international, les changements climatiques, la démographie, la sécurité et le manque de religion. Tout est vrai et faux. En tous cas cela ne suffit pas pour justifier la pauvreté mentale qui a mis aux oubliettes, depuis longtemps, toute tentative de transformation. Il y a la pauvreté ‘conviviale’, partagée, vécue, qui fait partie de la vie de nous tous. Et puis il y a la pauvreté qui se mesure en argent, la pauvreté monétisée…qui est d’autant plus dangereuse dans l’inégalité dominante. Et finalement on arrive à la misère, qui affecte l’esprit et le corps social d’un pays. La misère se propage comme la méningite dans le pays, malgré les promesses et les moyens. On meurt pour un surplus de paroles inutiles et éphémères, dans le silence et le manque de honte. Une politique qui respecte ce nom devrait pouvoir sentir la honte de ses trahisons et surtout du manque de conscience. La politique de la misère est aussi la misère de la politique.

En introduisant l’ouvrage du professeur Abdou Moumouni sur ‘ L’éducation en Afrique’, l’historien Joseph Ki-Zerbo, soulignait que Moumouni était… ’ligoté à son peuple’. C’est une affirmation essentielle pour interpréter le rôle et la mission de tout homme politique. On ne trouve aucun, de nos professionnels de la politique, qui soit ‘ligoté’ par son peuple et à son peuple. On ne voit pas une relation de dépendance vis-à-vis du peuple. Le peuple, c’est-à-dire les pauvres, sont utilisés, manipulés, maintenus dans un état de soumission qui convient à beaucoup. La misère est politiquement utile afin de garder le pouvoir et perpétuer le système d’exclusion globale.

Le classement annuel des pays selon le développement humain est bien sûr indicatif. Il contient sans doute un fond de vérité. La méningite est un symptôme politique, l’expression de la défaite d’une politique extractive [1]. Il était une fois la politique comme construction d’un monde différent. On se trouve entre les mains d’une politique indifférente pour un monde souffrant.

Rien que l’année passée l’épidémie de cette maladie avait provoqué la mort de 573 personnes sur quelque 8.500 malades. Entre temps, on a eu les élections présidentielles et législatives. On a pu évacuer des malades à l’étranger pour des raisons médicales, comme un acte politique. Sans noter que, depuis longtemps, ce qu’on a évacué du pays c’est la politique.

  Mauro Armanino,
Niamey, Mars 2016

[1 Les institutions extractives sont construites afin d’extraire un maximum de ressources de la population, dans une optique d’enrichissement et de maintien au pouvoir des élites ou du parti dominant.
Les institutions inclusives, par opposition, cherchent à inclure une vaste proportion de la société dans les décisions politiques et économiques, par le biais de la démocratie et de la propriété privée par exemple, et redistribuent les ressources selon le mérite et/ou l’équité.


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