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LEUR A-T-ON VRAIMENT VOLÉ NOËL ?

Magazine L’APPEL, décembre 2016
mardi 29 novembre 2016 par Webmaster

Dur, dur, le métier d’exégète en ces temps de Noël !

Dominique Martens, directeur de Lumen Vitae, raconte : « Il m’arrive souvent de travailler les récits de l’enfance de Jésus avec des groupes. Quand je dis qu’il ne s’agit pas d’abord de comptes rendus historiques mais de textes théologiques, certains participants me reprochent de leur voler Noël, de briser sa magie et son ambiance de paix et d’harmonie. Je suis même parfois suspecté de vouloir détruire la foi. Mais, pour moi, l’exégèse ne vole pas Noël, elle le rend à son sens profond. »

Quel est donc ce « sens profond » des récits que Matthieu et Luc attribuent aux premiers pas de Jésus ? Le bibliste précise : « Ces textes sont tout entiers pénétrés de la lumière de la résurrection. Matthieu et Luc croient que Dieu a relevé́ de la mort Jésus, le prophète assassiné. Ils croient que ce Jésus est le fils de Dieu, le visage même de Dieu pour une humanité́ qu’il remet debout. Cette foi, les évangélistes la transposent sur sa naissance. C’est donc la fin de son parcours qui commande leur relecture de ses débuts. »

[bleu marine]« LE ROI DES JUIFS » [/bleu marine]

Mais, selon Dominique Martens, ils n’insistent pas sur les mêmes facettes de leur foi. Ainsi, Matthieu, qui est un juif écrivant pour des chrétiens d’origine juive, voit en Jésus celui qui accomplit l’histoire d’Israël et donne sens à l’Ancien Testament. Le faire naitre à Bethleem, ville natale du roi David, c’est affirmer qu’il est le messie, le nouveau David, le « roi des Juifs », comme il le déclare au moment de sa mort. Jésus est aussi le nouveau Moïse, celui que Dieu protège du massacre des jeunes enfants par Hérode, tout comme il a sauvé́ Moïse menacé de mort par le pharaon. Quand Matthieu décrit Joseph, il s’inspire clairement du « Joseph vendu par ses frères » du livre de la Genèse. Comme lui, l’époux de Marie a des songes et se retrouve en Egypte.

[bleu marine]APRÈS LE TEMPLE [/bleu marine]

Les mages venus d’Orient offrent à Jésus de l’or, de l’encens et de la myrrhe, des cadeaux qui rappellent ce que les Babyloniens avaient volé́ au Temple de Jérusalem lors de la prise de la ville en 587 avant J.C. Comme si ces sages reconnaissaient en cet enfant fragile la présence même de Dieu, alors que, pour les Juifs de l’époque, c’est dans le Temple que Dieu habite.

Luc, lui, est un chrétien d’origine grecque. Il écrit pour des croyants eux aussi venus du monde païen. Dans son récit de l’enfance de Jésus, il fait part de sa conviction de foi : désormais, le Temple juif cède le relais à l’Eglise. Il met constamment en contraste Jésus et Jean-Baptiste dont le père, Zacharie, devient muet dans le Temple où il est un prêtre, pour avoir hésité́ à croire au message de l’ange. Il ne peut donc plus prononcer la bénédiction. Celle-ci sera donnée à la fin de l’Evangile par Jésus, immédiatement relayé par ses disciples après son départ.

[bleu marine]L’EMPEREUR ET JÉSUS [/bleu marine]

Luc ne se situe pas seulement par rapport à̀ la foi juive. Il vise aussi la religion païenne et son culte de l’empereur. Il oppose César Auguste à l’enfant Jésus. L’empereur donne ses ordres depuis Rome et tous les sujets de l’empire lui obéissent au doigt et à l’œil. C’est le régime de la « paix romaine ». À la marge de l’empire, un enfant naît dans des conditions de pauvreté́ et d’exclusion, il se retrouve à dormir dans une mangeoire pour animaux. Mais cet enfant est présenté́ aux bergers par les anges (et donc par Dieu) comme « un sauveur, le Messie-Seigneur ». Il s’agit là de titres reconnus à Jésus après sa résurrection.

Pour l’évangéliste, cet enfant est, dès l’aube de son existence, le Seigneur du ciel et de la terre, son pouvoir surpasse celui de l’empereur. Mais c’est le pouvoir sans violence du Sauveur, de celui qui remet debout les humains. Les premiers à̀ se relever sont des victimes du système d’exploitation romain, des exclus, ce sont les bergers qui retrouvent, grâce à lui, une parole et leur dignité́. La paix qu’apporte le nouveau-né́ dans son étable est d’un tout autre ordre que la paix impériale.

[bleu marine]LE JÉSUS DE LA FOI [/bleu marine]

Bref, pour Dominique Martens, Matthieu et Luc racontent leur foi, ils écrivent de la théologie sous forme de récits. Le Jésus qu’ils donnent à̀ connaître est le Jésus de la foi, celui auquel ils croient depuis qu’ils sont entrés, avec leurs communautés, dans la dynamique de la résurrection. Mais alors, que peut-on tirer de ces textes en regard de ce qui s’est historiquement passé ?

Le bibliste reconnaît : « Les faits concernant la naissance et l’enfance de Jésus échappent très largement à̀ la recherche des historiens. Cette question des faits ne préoccupe pas Luc et Matthieu. Pour eux, l’essentiel est de transmettre leur foi en un Dieu surprenant, qui s’est fait enfant fragile pour que les fragilisés retrouvent goût à la vie et à la fraternité́. La vérité́ de ces évangiles de l’enfance n’est pas la vérité́ de faits qu’il est impossible de prouver. Elle est la bonne nouvelle qu’éprouvent les croyants d’hier et d’aujourd’hui, qui se mettent en route à l’image de Joseph et Marie, des bergers et des mages. »

[bleu marine]CHANGER DE NIVEAU [/bleu marine]

Et l’exégète de conclure : « Evitons de jeter le bébé́ (Jésus !) avec l’eau du bain ! Les faits racontés dans les récits de la Nativité́ (tout comme les récits de résurrection) ne sont pas vérifiables par les sciences historiques, tout à fait d’accord. Mais ce n’est pas une raison pour affirmer qu’ils nous trompent : leur signification profonde se situe d’abord à̀ un autre niveau, au plan du sens que l’on donne à son existence. » ■

[bleu marine]NOËL SOUS LE REGARD DES HISTORIENS [/bleu marine]

La seule assurance des historiens se résume à celle-ci : Jésus est bien né un jour et quelque part et il est mort crucifié en l’année 30. Mais les circonstances de sa naissance et de son enfance leur restent largement inaccessibles. Est-il né à Bethléem (la ville du roi David) ou à̀ Nazareth (le village où il habite quand il commence sa « vie publique » vers l’an 28) ? Ou ailleurs encore ? Personne ne peut rien certifier. Est-il né dans une étable (Luc) ou dans une maison (Matthieu) ? Il est impossible de se prononcer.

En quelle année est-il venu au monde ? L’indication de Luc du recensement de Quirinius le ferait naître en 6 après J.C., alors que Matthieu parle du roi Hérode, qui lui est mort en 4 avant J.C. Les exégètes penchent plutôt pour 6 avant J.C... Jésus a-t-il vu le jour un 25 décembre ? C’est hautement improbable. En fait, cette date correspond au solstice d’hiver et à une fête romaine du soleil vainqueur. C’est à̀ Rome, vers 360, que les chrétiens remplacent la fête païenne par la fête de Noël. Les bergers et les mages sont-ils venus honorer le nouveau-né́ ? Ici encore, leur présence est avant tout théologique. L’âne et le bœuf, indispensables à la crèche, ne figurent pas dans les évangiles canoniques mais bien dans un évangile apocryphe de l’an 200, s’inspirant d’une prophétie d’Isaïe.

Et la conception virginale de Jésus ? Il existe des récits de naissances merveilleuses dans l’Ancien Testament et dans la littérature du Moyen-Orient. Ainsi, le texte biblique insiste sur le grand âge de Sarah et d’Abraham, mais Isaac naît bien de leur rencontre charnelle. Dans les textes babyloniens, certains rois naissent du sperme d’un dieu avec une femme. Par contre, pour Luc et Matthieu, la naissance de Jésus ne résulte pas d’une union sexuelle. En cela, elle est tout à̀ fait originale. Mais cette affirmation est avant tout une affirmation de foi en Jésus comme fils de Dieu, il ne dit rien des modalités pratiques de sa conception.

  Joseph DEWEZ
Magazine L’APPEL, décembre 2016

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