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L A V I G E R I E . be
Burundi

Vivre avec des gens en marge de la société

Petit Echo n° 1083
jeudi 14 décembre 2017 par Webmaster
Mon expérience
avec les gens vivant
en marge de la société :
les Batwa du Burundi 1999-2017



Mon apostolat chez les Batwa commence en 1999 après 8 ans passés en paroisse et aux études. J’allais donc y consacrer 18 années sans interruption. Cette nomination qui été le choix des missionnaires d’Afrique secteur Burundi répondait aussi à mon désir profond en tant que missionnaire. Les personnes qui allaient devenir le centre de mes préoccupations étaient considérées comme répugnantes, des parias, des gens mis au banc de la société. elles n’avaient pas place au soleil. elles ne jouissaient d’aucune manifestation sur tout l’espace social : églises, écoles, commerce, administration.

Très rapidement j’ai noué des relations sincères et une amitié profonde avec ces personnes. Par des visites dans les familles, nous avons appris à nous connaître mutuellement.

Cette confiance qui s’était créée les poussait à venir me voir certains jours chez nous au point que mes confrères n’hésitaient pas à dire que la communauté était envahie par les Batwa. Nombreux ils étaient, nombreux aussi leurs problèmes. Ils étaient en piteux état : vêtements sales et en lambeaux, chevelure en désordre. Et ils me parlaient des maux qui les accablaient : maladies, faim, manque de logements, marginalisation.

J’essayais de les écouter autant que je pouvais. Mais il y en a d’autres qui ne cessent de se moquer de cette situation.

Pour certains de mes confrères, pour les prêtres burundais et les Burundais eux-mêmes, ma nomination n’était pas valorisante. Elle héritait du sort des gens que j’accompagnais. J’étais catalogué prêtre des Batwa, prêtre mutwa ou Mutwa tout court. Moi je me fichais des préjugés ; l’essentiel est que je m’y épanouissais. C’est ainsi que j’ai réalisé les incompréhensions que Jésus a connues en son temps. Cela me donnait l’occasion de travailler sur ma personne, de m’anéantir, de compatir et de partager d’une certaine façon le mépris vécu par les Batwa.

Elias dansant avec ses amis batwa



Petit à petit, j’ai appris à mes frères batwa de s’accepter d’abord eux-mêmes avant d’être acceptés par les autres. En effet, ils n’osaient pas s’appeler eux-mêmes Burundais. Avec l’effort et le concours des amis que la providence m’a accordés, des choses ont changé positivement dans la vie quotidienne de ces personnes ; l’hygiène, la santé, la scolarisation des enfants, l’habitat et leur intégration en tant que citoyen. Maintenant ils ont une parole à dire. C’est clair que nous voyons que les mentalités ont changé du côté des Batwa et des autres. Bref, les Batwa ont commencé à prendre la place dans la société comme toute personne humaine et citoyen burundais. Chaque réussite m’a donné du courage et je me sentais de plus en plus lié à cette mission que j’aimais beaucoup.

Cet apostolat m’a appris combien notre monde est drôle, combien nous nous familiarisons avec l’ordre social établi, avec ses injustices, son mépris de la personne humaine, sans que cela nous révolte. C’est aussi le moment de nous interroger sur notre mission qui est celle de l’Eglise dans le monde. Quelles priorités aujourd’hui et demain ? On ne peut pas vivre dans le monde et l’Eglise aujourd’hui, sans se poser pareilles questions.

Je trouve la force de continuer dans les diverses bénédictions, soutiens et réussites. Nous sommes fiers de trouver maintenant dans les hautes sphères de l’Etat des Batwa que nous avons accompagnés durant toute cette période de notre mission : sénateurs, parlementaires, membres de Commissions nationales importantes. D’autres vivent dignement et prennent une place qui leur donne respect dans leurs villages à côté de leurs voisins. Connaissant leur situation de départ, nous sommes très heureux de les rencontrer dans cette situation nouvelle et nous entendons dans le subconscient l’écho de ces paroles de Jésus à ses contemporains : « Il faut se réjouir car cet homme est aussi fils d’Abraham ».

Elias instruisant des enfants batwa



J’ai essayé de partager et d’intéresser notre communauté sur nos soucis de chaque jour. On lançait une invitation à nos confrères de venir se rendre compte des réalités vécues par les Batwa. On parlait des soucis, des succès, des joies et des peines de vivre quotidiennement cet apostolat. Plusieurs ont été compréhensifs et m’ont soutenus.

Mais j’ai toujours eu un sentiment et un questionnement : il y a souvent des mentalités tellement ancrées dans nos façons de faire l’apostolat, que cette sorte de mission est caractérisée par certains comme un travail social associé souvent à celui des ONGs. Notons que dans cette sorte d’apostolat on ne brille pas par le nombre des sacrements administrés. Mais il fallait continuer sur le chemin qui réveille les consciences des confrères de la mission libératrice touchant l’homme dans toute son intégrité, corps et âme et aller à la rencontre de cette personne défavorisée par les conditions socio-économique de vivre à la périphérie.

J’ai été très encouragés de voir que nos jeunes étudiants et confrères venant des autres secteurs et provinces manifestaient un intérêt à visiter nos villages batwa lorsqu’ils arrivaient au pays. Ils étaient fortement touchés par notre engagement auprès des plus démunis. Nous avons reçus leurs encouragements pour continuer à donner un espoir à ces personnes dans leur quête pour une vie plus digne.

Je pense que c’est primordial, dans notre monde d’aujourd’hui et dans notre vision de la mission d’intégrer cette dimension qui s’intéresse aux laissés pour compte, les minorités oubliées, et qui continuent à souffrir dans l’indifférence de la société. Ceci est plus que les œuvres de charité passagère qu’on fait au quotidien pour soutenir une personne ou une autre. Cela nous demande d’aller vers les personnes les plus démunies dans les situations souvent inhumaines. Inculquer chez nos jeunes cette envie de s’intéresser au dernier de la société pour lui partager ce que nous avons reçu, de marcher quelques pas à côté de lui et participer dans son combats pour une vie plus digne.

  Elias Mwebembezi, M.Afr.

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