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Parabole

“L’orphelin”

jeudi 16 février 2012 par Jan Heuft, Webmaster

[marron]Ce texte était mon message de Noël envoyé à des amis. Etre proche des plus petits n’est-ce pas aussi le message du Christ ?[/marron]

Jan
 

Je suis né dans l’illégalité. Trois heures après ma naissance illégale, des mains charitables m’ont mis à la porte d’un hôpital où d’autres mains charitables m’ont mis dans une pouponnière d’état pour des enfants illégaux. Tous ces bébés avaient des actes de naissance sur lesquels figuraient deux noms : un prénom féminin, inventé d’une mère connue ou inconnue et le nom ou prénom du nouveau né. Pas de nom de père, comme si nos mères ressemblaient à la Sainte Vierge Marie, fécondées par le Saint Esprit !

J’ai grandi grâce à de nombreuses mains charitables et petit à petit, du bébé illégal, je suis devenu l’enfant de la DAS. Un titre universellement reconnu et qui te permet d’être toujours soupçonné de tout et de partout, en un mot : le fruit du pêché ! Pendant neuf ans j’ai été « rééduqué » dans des instituts, toujours charitables, de l’état. Je fus un enfant terrible qui avait des idées, certes, mais ces choses n’étaient pas prévues dans les programmes de la rééducation. Souvent dans la nuit, je m’inventais une mère ou un père et je pleurais de chaudes larmes quand je me réveillais brusquement en découvrant qu’ils n’existaient pas.

Devenu adolescent, des nouvelles mains charitables m’ont mis dans un foyer avec une nourrice. Au début je pensais que c’était ma mère et je fus un peu heureux, d’autant plus que dans les environs vivait un vieil homme, très gentil, qui me considérait comme son fils. Je l’appelais oncle Hamouda. Malheureusement, arrivé à l’âge de 18 ans, ma nourrice me chassa, puisque devenu adulte, mon lit devrait servir à un nouvel enfant de la DAS et je n’avais qu’à travailler, louer une maison, puis me marier éventuellement avec une fille orpheline, elle aussi ! Et un malheur ne vient jamais seul. Mon père adoptif, oncle Hamouda, venait de mourir aussi. Je l’avais beaucoup aidé dans ses derniers jours. La confiance entre lui et moi était totale. Me voici devenu de nouveau tout seul au monde, comme le petit Remi dans un livre avec Vitalis.

Je commençai alors à traîner des longues heures et des nuits sur la route, dormant dans des coins que je pouvais trouver. Et voilà un soir, pleurant dans ma solitude contre le mur d’une gare, un moine m’a pris en stop et m’a ramené dans mon foyer. Il a finalement obtenu que je puisse partager mon ancien lit avec l’enfant subventionné par la DAS.

N’ayant toujours pas d’argent j’ai pris l’initiative d’ouvrir avec les copains de la rue, une cafétéria dans un local abandonné. Nous y servions des casses croûtes, des pâtisseries, des thés et des cafés. Même le moine venait prendre de temps en temps son café chez nous et ainsi j’arrivais à apporter régulièrement quelques sous à ma nourrice, très heureuse d’avoir enfin un locataire payant ! Cela fut un temps d’une grande amitié avec les gens du quartier qui appréciaient bien d’avoir un endroit de plus pour jouer aux dominos et de boire quelques cafés. Malheureusement le propriétaire du local abandonné, un émigré, est revenu de France et a voulu récupérer son bien. Je n’avais pas le choix et me voilà de nouveau dans la rue !

Le moine, entre temps devenu mon ami, avec ses collègues du monastère, a eu la bonne idée de m’inscrire à une formation de comptable. Du coup je suis devenu « respectable » dans mon quartier et même dans mon foyer. Les gens me voyaient partir tous les matins avec mon sac à dos à l’école et disaient : « Tiens, il est devenu étudiant. Il va devenir « quelqu’un !  » Ma nourrice était moins contente puisque je n’apportais plus rien à son foyer. Le résultat était que je n’étais plus sûr de ma place partagée dans mon lit. Donc me voilà de nouveau souvent dans la rue.

Le moine, voyant mes habits froissés et mes cheveux mal lavés, prit pitié de moi et me laissa dormir de temps en temps, chez lui, au monastère ou les places libres ne manquaient point. De mon côté, je leur rendais service par de nombreuses tâches, comme le nettoyage de la cour, du portail, l’installation d’internet, réparation de téléphone, la peinture etc. Me rendant souvent au Cyber café du quartier j’étais devenu un « crac » en informatique et comme les moines n’étaient pas très doués dans la matière, vu leurs âges, il n’était pas rare que je dépanne tel ou tel moine, bloqué devant son ordinateur.

Je finis par obtenir mon CAP de comptable et je m’inscrivis avec des copains au cours du soir pour devenir expert dans la matière. Comme l’embauche manque toujours dans ce pays, le moine m’a trouvé un boulot dans son association où je suis devenu quelqu’un d’important, mais je reste humble, parce que je sais bien que c’est Dieu qui m’a mis sur le bon chemin par intermédiaire de ces « mains charitables ». D’ailleurs, comme je n’étais pas très « présentable » à cause de mes douze dents trouées ou cassées, la condition d’embauche à l’association était de les « réparer » d’abord. Il sut, malheureusement, trouver un dentiste « charitable » pour faire cette besogne. Quant à moi, cela fut la découverte du chemin de la croix ! Mais le résultat fut éclatant comme la résurrection !

Normalement mon histoire se termine là, mais un grand malheur est arrivé au monastère ! Les anciens moines ont dû tous partir à la retraite et ont été remplacés par d’autres. Le moine « à moi » est encore là, mais il ne fait plus le poids devant ses nouveaux collègues. Un jour un grand vol a été commis dans le monastère et tous ceux qui n’étaient pas moines ont été accusés et emmenés dans des fourgons de la police au commissariat central. J’ai failli faire dans mon froc, tellement j’ai eu peur et honte devant le quartier où tout le monde m’a vu. En quelques instants j’étais redevenu l’enfant illégal soupçonné de tout et par tous. Comme le voleur n’a pas été découvert, le climat de confiance et d’accueil fut définitivement brisé. Les nouveaux moines, sous la direction d’un nouveau chef, ont prononcé le verdict sur tous ceux qui ne sont pas moines : « Dégagez ». Quand je regarde la télévision étrangère je me dis : « Tiens, c’est comme au monastère, ce sont toujours les étrangers qui sont accusés de tout »

Je serai donc de nouveau dans la rue, mais cette fois ci je ne serai plus seul : « le moine à moi » me suivra certainement. Nous serons alors comme Saint François d’Assise et comme les oiseaux dans la forêt « assis sur une branche » contemplant les merveilles de Dieu.

Bonne fête de Noël et bonne année,

L’orphelin.

 

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