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Comment devient-on génocidaire ?

Nuntiuncula N°685 Mars - Avril 2014
mardi 29 avril 2014 par Guy Theunis, Webmaster

Comment devient-on génocidaire ?
[marron]Et si nous étions tous capables de massacrer nos voisins. [/marron]
  Damien VANDERMEERSCH
[bleu marine] (en collaboration avec Marc Schmitz) [/bleu marine]
  Date de parution : novembre 2013
Editeur : GRIP, Bruxelles
Collection L’international en jeu

ISBN : 978-2-87291-037-3
Présentation : Broché
Nb. de pages : 160 pages, 14.90 euros

[marron]Livre très bien écrit, très clair et avec une belle présentation, mettant en valeur les titres, sous-titres et certaines citations. Livre bien documenté et souvent précis.

Son grand apport se situe dans les données juridiques (ex : la différence entre légitime défense et auto-défense préventive, page 84) et les informations sur les 4 procès de Bruxelles (chapitres 1 et 5).

Son intérêt est aussi de commencer une recherche essentielle sur le ’comment devient-on génocidaire’ (chapitre 4).[/marron]

Ceci dit, reconnaissant tous les mérites du livre et le rôle joué par son auteur comme juge d’instruction, je me permets d’intervenir sur 4 points qui entachent la rédaction du livre :

- 1. [bleu marine]Les données historiques.[/bleu marine]

Une première erreur se trouve à la page 37 : ’en 1959, quand les Belges plient bagage’. On sait que l’indépendance du Rwanda date du 1er Juillet 1962. Ce pourrait être une faute d’inattention si cela ne revenait pas plus loin dans le livre...
Page 88 : ’Depuis les premiers massacres de Tutsi en 1959, personne n’a jamais été jugé pour avoir tué un Tutsi’. Cette citation de Madeleine Mukamabano, reprise par l’auteur, puis en marge, est fausse. C’est faire injure à Mr Maurice Danse et aux autres juges belges qui ont fait leur travail de 1959 à 1962. Je suis d’accord de fustiger l’impunité, mais celle-ci a commencé en 1963.
Page 98 : ’Déjà en 1959, au moment de la Révolution sociale, il était question d’aller "travailler" ! Preuve que le génocide n’est pas tombé du ciel...’ et page 131 : ’Le chemin qui mène au cataclysme se dessine dès 1959. Le pays connaît une longue série de massacres de Tutsi...’.

Le premier texte et ce dernier paragraphe intitulé ’Quand l’horreur s’inscrit peu à peu dans le quotidien’ sont des anachronismes. Ils font partie d’une certaine idéologie et propagande. Dommage que l’auteur rentre dans cette propagande...

- 2. [bleu marine]Un aspect positif du livre est de bien distinguer le FPR des groupes de Tutsi de l’extérieur du Rwanda et de l’intérieur.[/bleu marine]

J’aurais attendu la même distinction pour les Hutu. Il serait trop long de citer tous les endroits du livre où l’auteur considère les Hutu en général comme génocidaires, alors qu’à plusieurs endroits des chiffres sont cités. Page 93 : 32.000 pour Colette Braeckman. A la page 116, ’environ 250.000 auteurs directs de crimes ou complices directs et actifs ; 20.000 génocidaires de ’catégorie 1’, dans l’encadré sur les chiffres du génocide ; il écrit aussi, page 24, que ’les tueurs psychopathes et autres pervers ne sont légion dans aucune société’ et, page 115, que ’Ceci dit, la majorité de la population rwandaise ne se retrouve ni dans un camp, ni dans l’autre (pendant ces mois de la Terreur)’.

De même, on lit plusieurs passages où l’auteur parle, comme de coupables, de l’armée en général alors que l’on sait que la plupart des militaires se trouvaient au front et que certains officiers se sont publiquement opposés aux massacres, ou des gendarmes en général (alors qu’il mentionne, page 111, les gendarmes qui ont protégé des Tutsi), ou tout le gouvernement intérimaire et tous les échelons de la fonction publique (cf., par exemple, pages 90.92.122-123).

- 3. [bleu marine]Mes derniers points concernent des éléments dans lesquels j’étais personnellement impliqué.[/bleu marine]

D’abord à propos des médias (pages 96-106). Il est faux de dire, page 103, qu’en 1992-1993, ’en cette période cruciale, la presse écrite est déjà moribonde’.
C’est à ce moment précis, qu’à Dialogue, nous éditions la revue de presse pour informer, en français, de ce qui se publiait en kinyarwanda dans la presse écrite.

Autre erreur grossière à propos de Radio Muhabura, page 104 : ’N’émettant qu’en ondes courtes, elle est difficilement captée sur les collines et n’aura guère d’impact’. Etant sur place à l’époque et membre de l’AJR (Association des Journalistes du Rwanda), je puis vous affirmer qu’elle était autant écoutée que Radio Rwanda ou la tristement célèbre RTLM (Radio-télévision libre des mille collines). Je regrette que l’auteur cite à ce propos surtout Jean-Pierre Chrétien ou Marie-Soleil Frère, et ne fasse pas référence à des études plus scientifiques, comme celle, par exemple, de Jean-Marie Vianney Higiro. Le jugement exprimé dans le livre sur Radio Muhabura est à nuancer. La difficulté est qu’il n’existe pas encore, à ma connaissance, d’étude sérieuse sur son contenu. Mais n’oublions pas que ceux qui s’y exprimaient étaient aussi, tous, des Rwandais ; on connaît le langage imagé, important à décrypter, employé dans ces circonstances.

Je voudrais vous remettre, sur ce sujet des médias et pour information, le numéro de la revue Dialogue qui donne un compte-rendu du séminaire-débat organisé en mars 1994 par l’ambassade de Belgique, dont je fus le modérateur, sur ’[bleu] Objectivité et honnêteté dans l’information politique [/bleu]’ (n° 175).

- 4. [bleu marine]Mon dernier point concerne l’Eglise catholique et les Missionnaires d’Afrique (Pères Blancs)[/bleu marine], Société dont je suis membre.

Je ne souscris pas du tout à certaines informations fausses ou peu compréhensibles. Je n’en cite que quelques-unes :

  • Page 27 : ’Même chez les religieux, pas de miséricorde ! Nombre d’entre eux sont directement impliqués dans le meurtre de leurs ouailles’.
  • Page 39 : ’Ils - les Hutus - ont finalement voué leur haine à ceux dont les Pères Blancs leur avaient appris qu’ils appartenaient à une autre race’.
  • Page 57 : ’Par la suite, elle - la Belgique - se désinvestira, tout en restant présente et influente grâce aux Pères blancs, à des projets de coopération, à certains milieux universitaires, aux réseaux liés à l’Internationale démocrate-chrétienne... malgré les dérives du régime’.
  • Page 111 : ’Est-ce qu’on entend l’Eglise catholique crier haut et fort "Tu ne tueras pas !" Elle semble préférer le silence complice à l’appel à la résistance’.

Je commente ce dernier texte, car les textes de l’Eglise ont été clairs et nombreux. Ils ont d’ailleurs tous été publiés par la suite par l’abbé Ngomazungu. Ce qu’il faut ajouter c’est que, pendant le génocide, l’accès à la radio a été refusé aux représentants de l’Eglise qui voulaient les faire connaître à tous.

Les autres affirmations citées sont des amalgames que l’on retrouve dans certaines propagandes et qui ne sont pas dignes d’un ouvrage sérieux.

Pour le reste, je suis d’accord avec certaines affirmations choc : ’Dans la précipitation, Bruxelles décide alors, unilatéralement, de retirer son contingent et laisse la porte grande ouverte au génocide. Un choix désastreux car de toutes les fautes commises en ce temps-là, le repli hâtif reste sans doute l’erreur politique la plus grave’ (page 57) ou certains titres : ’les amitiés coupables de la France’ (page 58).

  Guy Theunis,
Revue Dialogue et Radio Amahoro.

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